On en parle 📻 Tè mawon de Michael Roch, chez « Entrez sans frapper »(RTBF)

24 Mar 2022 | Actus

Alors que les lecteurs découvrent Tè mawon, le nouveau roman de Michael Roch, coup de cœur du festival Les Imaginales, sorti en librairie jeudi 10 mars, quelques chroniques ont retenu l’attention de La Volte. Aujourd’hui, nous vous partageons l’avis de Michel Dufranne, dont la chronique est à écouter ici ! Elle provient de l’émission belge « Entrez sans frapper », animée par Jérôme Colin.

 Â« â€¦ Il y a Ă  la fois des choix stylistiques, des choix narratifs, et c’est Ă©videmment le cas ici avec le roman de Michael Roch puisque nous sommes dans un futur relativement lointain et dans la mĂ©tropole de Lanvil. Alors Lanvil, c’est une mĂ©tropole titanesque – qui a su profiter des crises europĂ©ennes, des tensions entre extrĂŞme droite, nationalisme et autre, des crises asiatiques et des crises nord-amĂ©ricaines – pour se structurer autour des CaraĂŻbes. Les Ă®les se sont regroupĂ©es et forment maintenant une mĂ©gapole Ă  la fois horizontale, mais aussi verticale. Les gens importants Ă©tant « anwo Â» et les autres, « anba Â».

Ce roman est un roman chorale, puisqu’on va suivre Ă  la fois des petites frappes, Jo et Patson, qui sont en train de fuir les flics ; on va suivre Pat qui est un ancien rĂ©volutionnaire et qui cherche le Tout-monde

– une sorte de paradis perdu, cette origine, ces racines de ce qu’était Lanvil avant, et peut-ĂŞtre ces racines d’un bonheur qu’on a perdu – ; on va suivre Ezie, qui tente de percer le mystère d’enlèvements, de disparitions d’enfants Ă  Lanvil. On va avoir une traductrice, on va avoir un patron de corpo… On est dans un univers – alors aujourd’hui on dirait peut-ĂŞtre encore cyberpunk, mĂŞme si le punk est mort – oĂą la technologie est omniprĂ©sente, un peu Ă  la Matrix : les nanotechnologies sont lĂ , les implants sont lĂ  aussi… Parce que Lanvil, c’est un lieu oĂą, techniquement, on vit bien. Il fait beau, l’ambiance est bonne, et puis il y a les technologies, et les corpos sont ravies… mais on sent bien que c’est un roman qui avant tout parle d’insurrection, et de rĂ©volution, et de rebelles – d’oĂą cette notion de cyberpunk. »

« Ce qui est intĂ©ressant avec ce roman – et je pense que le roman peut marquer les esprits et va rentrer dans des pages WikipĂ©dia, mais aussi dans les ouvrages plus thĂ©oriques ; d’un, parce que c’est un roman d’afrofuturisme. Afrofuturisme, qui est ce courant esthĂ©tique qui part du principe que la science-fiction est un truc d’occidentaux. C’est toujours une vision d’occidentaux pour un monde meilleur occidental. Et l’afrofuturime rĂ©intègre l’ailleurs et, entre autre, les notions de dĂ©colonisation, de stigmatisation, et ainsi de suite. Mais ici, Michael Roch est caribĂ©en, il vient de Martinique : et ce que lui introduit, c’est la notion de mĂ©tissage. Et c’est une vraie rupture avec le courant afrofuturiste actuel, reprĂ©sentĂ© par des autrices dont j’ai dĂ©jĂ  parlĂ© – Jemisin, Nnedi Okorafor… –, qui sont dans cette optique afro-amĂ©ricaine. Ici, on est dans cette notion de mĂ©tissage, qui est importante. Et cette notion de mĂ©tissage fait Ă  la fois rĂ©fĂ©rence Ă  des thĂ©oriciens caribĂ©ens – par exemple Édouard Glissant, qui est celui qui introduit la notion de Tout-monde, et ainsi de suite –, mais amène d’autres types de questions : parce que l’afrofuturisme anglosaxon a tendance Ă  se baser sur « qui suis-je ? Â», « d’oĂą viens-je ? Â», et vont crĂ©er des fictions de science-fiction lĂ -dessus. Lui, la vraie question qu’il se pose, c’est « qui suis-je ? Â», « d’oĂą viens-je Â», mais « oĂą vais-je ? Â». Quel est notre avenir Ă  nous, mĂ©tisses, issus de ce mĂ©tissage, issus de cette culture ?

Et l’autre question qu’il se pose, c’est ce rapport Ă  la langue. […] Ici, le roman est Ă©crit en plusieurs langues diffĂ©rentes, parce qu’il se dit, en tant que crĂ©ole, Ă  un moment, une langue, le français, quand je vivais Ă  la mĂ©tropole, a Ă©crasĂ© ma langue. Mais est-ce normal ? Est-ce qu’une langue peut en Ă©craser une autre ? Et tous les personnages dont je vous ai parlĂ©s – Jo, Patson, Pat, EziĂ©, et ainsi de suite – ont chacun leur propre langue dans le livre. Et c’est pour ça que je disais en prĂ©ambule : attention, c’est un livre… il faut rentrer dedans. Il faut accepter de lâcher prise, de ne pas tout comprendre au moment, et petit Ă  petit, vous entendez ces langues, vous comprenez les mots, vous comprenez les dĂ©formations… Et le titre est très bien trouvĂ© pour ça : Tè mawon, qui en fait pourrait se traduire par « terre marron Â», qui a Ă©normĂ©ment de significations diffĂ©rentes. Parce que « balle marron Â», c’est une balle perdue, mais les « mawon Â» c’était aussi les mĂ©tisses qui Ă©taient des esclaves affranchis, c’était aussi les mĂ©tisses qui rejoignaient les fameux pirates des CaraĂŻbes… donc ça insinue et ça distille cette idĂ©e de rĂ©bellion. »

« C’est un roman très construit, avec une langue très travaillĂ©e, avec une vraie intrigue, mais surtout, c’est un roman dans lequel il faut accepter de lâcher prise pour rejoindre tout cette chorale et cette cohorte de gens, et rĂ©flĂ©chir. Â»

L’émission est à retrouver dans sa totalité sur Apple Podcast.

Avis aux lecteurs et lectrices en Belgique : Michael Roch sera Ă  la Bibliothèque du Mont-de-l’Enclus pour une rencontre le 29 avril !

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Grand prix SGDL : 3 auteurs de La Volte séléctionnés

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La SociĂ©tĂ© des Gens de Lettres (SGDL), qui remet chaque annĂ©e douze prix littĂ©raires dotĂ©s et trois bourses de crĂ©ation, crĂ©e un nouveau prix destinĂ© Ă  rĂ©compenser une Ĺ“uvre de littĂ©rature relevant du domaine de l’imaginaire. Trois auteurs de La Volte ont Ă©tĂ© sĂ©lectionnĂ©s.

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