Interview de Li-Cam

19 Fév 2017 | Actus

AU BAL DES ACTIFS

Interview de Li-Cam pour sa nouvelle Le Profil du recueil Au bal des actifs – Demain, le travail

Interview de Li-Cam

Fév 19, 2017 | Actus

Rester sain d’esprit en entreprise, une utopie ?

Bonjour Li-Cam, qui es-tu ?

Moi, c’est Li-Cam, je suis auteure de science-fiction et de fantastique. J’ai publié quatre romans à ce jour et pas mal de nouvelles parues ci et là. Je suis également directrice littéraire de la collection de nouvelles graphiques Petite Bulle d’Univers, chez Organic éditions. Comme beaucoup d’auteurs, je mène une double vie. À la ville, je suis coach en management de la créativité, un métier qui consiste à aider des créatifs à solutionner des problèmes ou à trouver de nouvelles idées et/ou de nouveaux produits.

En guise d’introduction à cette interview, j’aimerais enfoncer une porte ouverte en rappelant que les entreprises ne souhaitent pas que leurs salariés craquent, même si au vu du nombre de « burn out », on pourrait penser qu’elles ne font rien pour améliorer les conditions de travail. Cette vague de « burn out » est le résultat d’un faisceau de causes : les techniques de management actuelles, la crise économique qui sévit depuis 2008 et les nouvelles technologies de communication. La crise économique est mondiale, nous n’avons pas tous les leviers à notre main. En revanche en ce qui concerne les techniques de management et le stress liés aux nouvelles technologies, chaque entreprise peut agir pour améliorer la vie de ses salariés sur leur lieu de travail.

Des causes et facteurs à la base de ta nouvelle, « Le profil » ?

Je me suis surtout inspirée de mon expérience professionnelle, que j’ai transposée dans un avenir hypothétique où les grandes entreprises sont les seuls acteurs sociaux, ayant survécu à une mutation technologique. Elles ont remplacé l’État et le tissu associatif. Une seule et même corporation intervient à tous les niveaux de la vie de ses « adeptes », de leur naissance à leur mort. Je me suis inspirée aussi d’entrepreneurs comme Steve Jobs ou Elon Musk, qui ont une influence culturelle et politique importante. Ces hommes ne sont pas que des hommes d’affaires, ils ont acquis un statut proche de celui de « stars ». Ils possèdent un côté gourou, pour ne pas dire « messianique », qui plaît ou déplaît, mais leur influence idéologique n’est pas à négliger dans le monde d’aujourd’hui. Certains d’entre eux ont des profils de personnalité particuliers qui n’étaient pas du tout considéré autrefois comme des « bons profils » dans le monde de l’entreprise.

Quelle vision as-tu des techniques de mangement actuelles ?

Aujourd’hui, nous sommes très loin du management que l’on a connu jusqu’à la fin des années 1970, un management axé sur la compétence, avec un chef et des exécutants. Les écoles de Management forment des cadres spécialistes du management, sans autre compétence, et ces cadres sont surtout formés à élaborer des outils et des procédures, à gérer des « ressources » et à motiver les troupes.

Parmi les méthodes actuelles de management qui ont pignon sur rue, le management participatif et le management transversal me semblent avoir eu un impact très important sur les conditions de travail. Ces deux méthodes répondent aux besoins de mutation des entreprises qui ont dû s’adapter rapidement à des marchés mondiaux, complexes, très fluctuants et extrêmement concurrentiels.

Ces méthodes sont en adéquation avec la nouvelle situation économique, elles permettent une souplesse sans précédent dans le fonctionnement de l’entreprise, mais elles occasionnent aussi des dommages collatéraux.

Le management participatif, une fausse bonne idée ?

Qui aujourd’hui accepterait de travailler comme dans les années 60, c’est-à-dire d’obéir aveuglément à un chef sans avoir son mot à dire ? Personne, je pense.

Le management participatif encourage les managers à déléguer leurs responsabilités, et encourage donc les collaborateurs à s’investir pleinement quitte à décider à la place du manager, qui n’étant pas spécialiste, se trouve cantonné à une fonction de « gestionnaire » ou de « fournisseur logistique » et de VRP. Chacun sait ce qu’il a à faire.

Ce type de management « fluidifie » la responsabilité, qui s’écoule jusque parfois très bas sur l’organigramme. On parle alors de responsabilité diffuse, on ne sait plus au fond qui est responsable de quoi. La gestion de projet transversale permettant à un collaborateur de « manager » des collaborateurs de même niveau hiérarchique, voire de niveau hiérarchique supérieur, ponctuellement et pour des projets spécifiques, renforce encore l’ambiguïté de la fonction du manager. Un manager n’est plus forcément un « responsable hiérarchique ». Cette ambiguïté crée parfois des tensions.

Et que dire d’un pouvoir qui est accordé sans obligation d’endosser la responsabilité qui en découle…

Enfin, les nouveaux managers sont formés à des techniques de profilage (Techniques comportementales et de Process communication), censées les aider à communiquer et manager au mieux leurs équipes. Techniques largement utilisées également en marketing de façon à adapter parfaitement un produit ou une campagne de communication au public ciblé…

Des techniques qui favorisent l’émergence de profils toxiques en entreprise ?

Le terme profil toxique est à prendre avec des pincettes. Il existe effectivement des individus dont la personnalité peut poser problèmes dans le fonctionnement d’un groupe (trouble de la personnalité narcissique ou antisociale / sociopathe), on parle alors de collaborateurs toxiques, mais il faut être prudent, il existe aussi des personnes ne souffrant d’aucun trouble de la personnalité qui peuvent mettre en place des mécanismes de défense dits toxiques « manipulation, intimidation, sabotage, etc » dans un environnement trop concurrentiel, c’est alors la pression exercée par l’environnement qui est à questionner plus que l’individu lui-même. En revanche, il est évident que ce type de personnalité problématique est susceptible de proliférer dans des organisations qui offrent du pouvoir sans pour autant délimiter une zone de responsabilité claire en retour.

Et le burn-out dans tout ça ?

La vague de « burn out » qui sévit ces dernières années, qui conduit des individus à de graves dépressions et parfois à des gestes suicidaires, devrait être la préoccupation principale de tous les acteurs économiques et institutionnels. On avait l’habitude de dire : « le travail, c’est la santé », or depuis quelques années, il tue. Pourquoi ?

La crise économique et le chômage de masse maintiennent les salariés dans une dépendance malsaine vis à vis de leur employeur. Il faut ajouter à cet état de fait déjà pesant des nouvelles technologies qui ne laissent plus aucun répit aux salariés, qui peuvent être alors amenés à travailler chez eux le week-end, tard le soir, ou tard dans la nuit. Avec les nouvelles technologies, la frontière entre vie professionnelle et vie privée devient floue. J’aborde ce point dans Le Profil. Le travail, c’est la vie, mais quand il est toute notre vie, il devient notre unique identité. Une identité bien trop étroite.  Si l’on ajoute à tout cela les nouvelles techniques de management, il est facile de comprendre que des personnes craquent.

La perte de repère et de sens au travail est lourde de conséquences. Un salarié ne sait plus désormais s’il aura toujours son poste dans quelques mois, s’il pourra payer la scolarité de ses enfants ou sa maison, il ne sait pas toujours non plus à qui il reporte, qui est son responsable, ni s’il pourra passer son prochain week-end en famille. Parfois il doit côtoyer quotidiennement un collègue « toxique », toxique soit parce qu’il possède une personnalité pathologique soit parce qu’il a pété les plombs… Sans mentionner que toutes les études annoncent une profonde mutation du marché de l’emploi qui pourrait voir disparaître 15 à 50% des emplois salariés.

Comment garder la tête froide dans un tel contexte ? Rester sain d’esprit en entreprise, une utopie ? Un véritable défi en tous cas.

– Propos recueillis par Anne Adam

Rester sain d’esprit en entreprise, une utopie ?

Bonjour Li-Cam, qui es-tu ?

Moi, c’est Li-Cam, je suis auteure de science-fiction et de fantastique. J’ai publié quatre romans à ce jour et pas mal de nouvelles parues ci et là. Je suis également directrice littéraire de la collection de nouvelles graphiques Petite Bulle d’Univers, chez Organic éditions. Comme beaucoup d’auteurs, je mène une double vie. À la ville, je suis coach en management de la créativité, un métier qui consiste à aider des créatifs à solutionner des problèmes ou à trouver de nouvelles idées et/ou de nouveaux produits.

En guise d’introduction à cette interview, j’aimerais enfoncer une porte ouverte en rappelant que les entreprises ne souhaitent pas que leurs salariés craquent, même si au vu du nombre de « burn out », on pourrait penser qu’elles ne font rien pour améliorer les conditions de travail. Cette vague de « burn out » est le résultat d’un faisceau de causes : les techniques de management actuelles, la crise économique qui sévit depuis 2008 et les nouvelles technologies de communication. La crise économique est mondiale, nous n’avons pas tous les leviers à notre main. En revanche en ce qui concerne les techniques de management et le stress liés aux nouvelles technologies, chaque entreprise peut agir pour améliorer la vie de ses salariés sur leur lieu de travail.

Des causes et facteurs à la base de ta nouvelle, « Le profil » ?

Je me suis surtout inspirée de mon expérience professionnelle, que j’ai transposée dans un avenir hypothétique où les grandes entreprises sont les seuls acteurs sociaux, ayant survécu à une mutation technologique. Elles ont remplacé l’État et le tissu associatif. Une seule et même corporation intervient à tous les niveaux de la vie de ses « adeptes », de leur naissance à leur mort. Je me suis inspirée aussi d’entrepreneurs comme Steve Jobs ou Elon Musk, qui ont une influence culturelle et politique importante. Ces hommes ne sont pas que des hommes d’affaires, ils ont acquis un statut proche de celui de « stars ». Ils possèdent un côté gourou, pour ne pas dire « messianique », qui plaît ou déplaît, mais leur influence idéologique n’est pas à négliger dans le monde d’aujourd’hui. Certains d’entre eux ont des profils de personnalité particuliers qui n’étaient pas du tout considéré autrefois comme des « bons profils » dans le monde de l’entreprise.

Quelle vision as-tu des techniques de mangement actuelles ?

Aujourd’hui, nous sommes très loin du management que l’on a connu jusqu’à la fin des années 1970, un management axé sur la compétence, avec un chef et des exécutants. Les écoles de Management forment des cadres spécialistes du management, sans autre compétence, et ces cadres sont surtout formés à élaborer des outils et des procédures, à gérer des « ressources » et à motiver les troupes.

Parmi les méthodes actuelles de management qui ont pignon sur rue, le management participatif et le management transversal me semblent avoir eu un impact très important sur les conditions de travail. Ces deux méthodes répondent aux besoins de mutation des entreprises qui ont dû s’adapter rapidement à des marchés mondiaux, complexes, très fluctuants et extrêmement concurrentiels.

Ces méthodes sont en adéquation avec la nouvelle situation économique, elles permettent une souplesse sans précédent dans le fonctionnement de l’entreprise, mais elles occasionnent aussi des dommages collatéraux.

Le management participatif, une fausse bonne idée ?

Qui aujourd’hui accepterait de travailler comme dans les années 60, c’est-à-dire d’obéir aveuglément à un chef sans avoir son mot à dire ? Personne, je pense.

Le management participatif encourage les managers à déléguer leurs responsabilités, et encourage donc les collaborateurs à s’investir pleinement quitte à décider à la place du manager, qui n’étant pas spécialiste, se trouve cantonné à une fonction de « gestionnaire » ou de « fournisseur logistique » et de VRP. Chacun sait ce qu’il a à faire.

Ce type de management « fluidifie » la responsabilité, qui s’écoule jusque parfois très bas sur l’organigramme. On parle alors de responsabilité diffuse, on ne sait plus au fond qui est responsable de quoi. La gestion de projet transversale permettant à un collaborateur de « manager » des collaborateurs de même niveau hiérarchique, voire de niveau hiérarchique supérieur, ponctuellement et pour des projets spécifiques, renforce encore l’ambiguïté de la fonction du manager. Un manager n’est plus forcément un « responsable hiérarchique ». Cette ambiguïté crée parfois des tensions.

Et que dire d’un pouvoir qui est accordé sans obligation d’endosser la responsabilité qui en découle…

Enfin, les nouveaux managers sont formés à des techniques de profilage (Techniques comportementales et de Process communication), censées les aider à communiquer et manager au mieux leurs équipes. Techniques largement utilisées également en marketing de façon à adapter parfaitement un produit ou une campagne de communication au public ciblé…

Des techniques qui favorisent l’émergence de profils toxiques en entreprise ?

Le terme profil toxique est à prendre avec des pincettes. Il existe effectivement des individus dont la personnalité peut poser problèmes dans le fonctionnement d’un groupe (trouble de la personnalité narcissique ou antisociale / sociopathe), on parle alors de collaborateurs toxiques, mais il faut être prudent, il existe aussi des personnes ne souffrant d’aucun trouble de la personnalité qui peuvent mettre en place des mécanismes de défense dits toxiques « manipulation, intimidation, sabotage, etc » dans un environnement trop concurrentiel, c’est alors la pression exercée par l’environnement qui est à questionner plus que l’individu lui-même. En revanche, il est évident que ce type de personnalité problématique est susceptible de proliférer dans des organisations qui offrent du pouvoir sans pour autant délimiter une zone de responsabilité claire en retour.

Et le burn-out dans tout ça ?

La vague de « burn out » qui sévit ces dernières années, qui conduit des individus à de graves dépressions et parfois à des gestes suicidaires, devrait être la préoccupation principale de tous les acteurs économiques et institutionnels. On avait l’habitude de dire : « le travail, c’est la santé », or depuis quelques années, il tue. Pourquoi ?

La crise économique et le chômage de masse maintiennent les salariés dans une dépendance malsaine vis à vis de leur employeur. Il faut ajouter à cet état de fait déjà pesant des nouvelles technologies qui ne laissent plus aucun répit aux salariés, qui peuvent être alors amenés à travailler chez eux le week-end, tard le soir, ou tard dans la nuit. Avec les nouvelles technologies, la frontière entre vie professionnelle et vie privée devient floue. J’aborde ce point dans Le Profil. Le travail, c’est la vie, mais quand il est toute notre vie, il devient notre unique identité. Une identité bien trop étroite.  Si l’on ajoute à tout cela les nouvelles techniques de management, il est facile de comprendre que des personnes craquent.

La perte de repère et de sens au travail est lourde de conséquences. Un salarié ne sait plus désormais s’il aura toujours son poste dans quelques mois, s’il pourra payer la scolarité de ses enfants ou sa maison, il ne sait pas toujours non plus à qui il reporte, qui est son responsable, ni s’il pourra passer son prochain week-end en famille. Parfois il doit côtoyer quotidiennement un collègue « toxique », toxique soit parce qu’il possède une personnalité pathologique soit parce qu’il a pété les plombs… Sans mentionner que toutes les études annoncent une profonde mutation du marché de l’emploi qui pourrait voir disparaître 15 à 50% des emplois salariés.

Comment garder la tête froide dans un tel contexte ? Rester sain d’esprit en entreprise, une utopie ? Un véritable défi en tous cas.

– Propos recueillis par Anne Adam

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