Roman – Rayon littérature
Illustration de couverture : @ Chrystel Laporte-Roy
Broché – 320 pages – 22 €
ISBN : 978-2-37049-216-6
Parution le 27 avril 2023
Maquette et caractères typographiques La Volte par Laure Afchain
Sirène, debout
ovide rechanté
Nina MacLaughlin
traduite de l’anglais (USA) par luvan
« Ça, c’est le taureau en train de violer Europe…
Ça, c’est l’aigle avant qu’il agresse Astérie,
l’arrachant à la terre de ses griffes.
Ça, c’est Léda broyée sous un cygne. »
Elles s’appellent Arachné, Callisto, Écho, Méduse, Scylla, Eurydice. Cela fait deux mille ans qu’elles sont victimes du jeu des dieux et des hommes, prisonnières du récit mythique des Métamorphoses, racontées, transformées, brutalisées. Pour la première fois, elles prennent la parole.
En re-chantant son livre fétiche, Nina MacLaughlin tisse une poésie organique où Antiquité et monde contemporain se confondent et se confrontent.
Diplômée d’anglais et de lettres classiques, Nina MacLaughlin a été journaliste et critique littéraire avant d’exercer le métier de charpentière dans son Massachusetts natal.
Sous la plume acérée de l’autrice, les rapports de domination qui se jouent entre les dieux et les hommes, mais surtout entre les hommes et les femmes, éclatent au grand jour. Cela ne veut pas pour autant dire que ces Métamorphoses 2.0 réduisent les femmes au statut de victime. Au contraire : l’autrice leur rend aussi leur complexité, leur rage et leur brutalité. (…)
L’entreprise de Maclaughlin n’est pas plombée par le sérieux, et c’est ce qui fait sa réussite. Ses fragments sont infusés d’humour et d’une liberté totale. Elle mélange les époques, joue avec l’anachronisme et avec la forme de ses récits. (…)
On touche du doigt cette « histoire vivante » chère à Ursula Le Guin, celle que l’on peut se réapproprier, avec laquelle on peut jouer, dont on peut sans relâche explorer les zones d’ombre.
Le style de Nina MacLaughlin est implacable, brassage pur de colère, de souffrance, d’humour et de poésie. Il mord autant qu’il attendrit, fait rire autant que vomir, et dit tout de la complexité et de la puissance du récit de ses femmes. Plus qu’une histoire, il s’agit bel et bien d’un chant, un cri du corps poétique et vaillant, sursaut de l’oubli.
Sirène, debout parle d’invisibilisation, de violences faites aux femmes, de rapports de force, de jalousie et de haine qui ne sont finalement rien d’autre qu’un désir de domination.
Sirène, debout est capable de vous enchanter autant que de vous filer la niaque, de vous émouvoir autant que de vous trouvler, de glisser un éclat de lumière (presque un câlin) pour ensuite vous coller une claque.
Sirène, debout se déclame comme un chant de vengeance et se lit comme un appel à se souvenir.
Comment un seul livre peut-il provoquer cela ? Eh bien, la littérature relève toujours un peu de la magie, ce qui fait de Nina MacLaughlin sans aucun doute possible, une puisssante sorcière.
Réécrire les mythes du point de vue des harcelées, violées, enlevées et subordonnées au(x) désir(s) des hommes… Immense pari parfaitement relevé par une langue magnifique et enchanteresse, aussi engagée que poétique et qui frappe là ou ça fait mal… Sublime !
Nina Maclaughlin, dans la formidable traduction de luvan, offre une réécriture décapante de la mythologie grecque et romaine et en révèle à la fois la violence et la fabuleuse plasticité. Se réappropriant ces récits dans un geste fidèle à l’esprit d’histoires vouées à être constamment reprises et métamorphosées, elle en permet une lecture profondément émancipatrice : dérangeante parfois, émouvante et drôle souvent. Elle charge de conscience, de rage et de vitalité des personnages féminins dont la voix nous était encore inconnue, ensevelie sous une gangue patrimoniale liée à la manière figée dont la mythologie nous a été le plus souvent enseignée et transmise.
Un livre absolument fabuleux, invitation à lire ou relire Ovide, à faire entrer ces réécritures dans les salles de classes, les amphithéâtres, les bibliothèques, pour un rapport vivant, furieux et joyeux à nos héritages culturels.
Plus de trente femmes des Métamorphoses d’Ovide récupèrent leur histoire dans cette émouvante série de vignettes. Les femmes du récit de Nina MacLaughlin boivent du kombucha, portent des jeans et des baskets et appellent le roi de Thèbes « ce connard décérébré. Par dessus tout, elles souffrent aux mains d’hommes lascifs et de dieux courroucés.
Une relecture contemporaine particulièrement audacieuse, du point de vue des vaincu(e)s, et réjouissante – même de situations, d’échappées, de crimes et de vengeances qui ne le sont guère – des Métamorphoses, servie par une langue gouailleuse, mobile et très juste.
Un récit drolatique qui renverse les points de vue, ou quand le female gaze s’empare de la mythologie grecque.
Nina MacLaughlin nous invite à travers 35 courts récits à réentendre les Métamorphoses d’Ovide du point de vue des victimes, alors que la narration originale prend quasi systématiquement pour point de départ l’agression de ses personnages féminins. Et si la démonstration est implacable, l’autre se permet également de placer certains de ces mythes dans notre époque. Poussant ainsi la réflexion sur l’impact de ces mythes dans une vision patriarcale de la société. Un nouvel indispensable à toute bibliothèque.
Quand les mythiques victimes des Métamorphoses deviennent, sous la plume moderne et habitée de Nina Mac Laughlin (délicieusement traduite par Iuvan), narratrices de leur propre version de l’histoire, le moins qu’on puisse dire, c’est que ça secoue fort. Très fort !
Véritable exploit d’écriture, Sirène, debout : Ovide rechanté, est une réponse artistique puissante à une question de notre temps. Que sommes-nous censés faire de tous ces mythes qui prennent le viol comme point de départ ?